La définition de la location-gérance est fournie par l’article L. 144-1 du Code de commerce. Il s’agit de « tout contrat ou convention par lequel le propriétaire ou l’exploitant d’un fonds de commerce ou d’un établissement artisanal en concède totalement ou partiellement la location à un gérant qui l’exploite à ses risques et périls […] ».
La location-gérance du fonds de commerce s’avère souvent la solution à de multiples problématiques, tant du point de vue du propriétaire du fonds que de celui du locataire-gérant.

Côté propriétaire, c’est un système qui lui permet de se dégager progressivement de son affaire, tout en continuant à tirer profit de son actif commercial.
La solution est par exemple utilisée dans les cas malheureux où le propriétaire du fonds souffrirait de vieillesse ou de maladie. On trouve également ce type de montage en cas de succession, notamment pour permettre à des héritiers d’un fonds de commerce d’en retirer les fruits, sans pour autant l’exploiter personnellement.

Du point de vue du locataire-gérant, ce peut être une option pertinente pour commencer à tirer profit des fruits du fonds et lui permettre de se constituer progressivement un capital en vue de son acquisition.

C’est la raison pour laquelle, dans un certain nombre de cas, le contrat de location-gérance se trouve assorti d’une promesse de vente au profit du locataire-gérant.
Les règles régissant la location-gérance ont été récemment réformées par loi n°2019-744 du 19 juillet 2019 , qui a simplifié les cas de recours à ce dispositif, en supprimant notamment l’exigence qui pesait préalablement sur le propriétaire, d’avoir exploité le fonds au minimum deux ans avant de pouvoir le mettre en location gérance.
C’est ainsi l’occasion de revenir sur les mécanismes de ce dispositif original.

I. Conseils et règles à suivre pour passer une convention de location-gérance

A. Personnes et activités pouvant faire l’objet d’une location-gérance

Toute personne peut être partie à une convention de location-gérance, à condition de ne pas avoir été condamnée à une interdiction de gérer ou d’exercer une activité commerciale.

La location-gérance s’avère en revanche interdite pour certaines activités, telle que la pharmacie (sauf en cas de décès du pharmacien).
D’autres activités voient également la faculté de recours à la location-gérance extrêmement restreinte : c’est le cas notamment des entreprises de transports publics et de location de véhicules industriels.

B. Conditions relatives au bailleur

Le bail commercial peut expressément interdire la mise en location-gérance du fonds de commerce. Il sera en ce cas nécessaire de solliciter l’accord préalable du propriétaire des murs.

Notons toutefois qu’en cas de redressement ou de liquidation judiciaires, une telle clause est inopposable à l’administrateur ou au liquidateur qui pourra, dans le cadre de la procédure collective, mettre un fonds en location-gérance nonobstant toute clause le prohibant.

L’interdiction de mettre un fonds de commerce en location-gérance peut aussi ressortir d’un contrat « intuitu personae » attaché au fonds et indispensable à sa survie. Ce type de contrat imposera une autorisation préalable avant tout changement d’exploitant (c’est le cas par exemple de certains contrats de prêts consentis à l’entreprise).

C. Fixation de la redevance initiale

L’existence de la redevance est une condition essentielle de la location-gérance. Trimestrielle ou au mois, son montant est fixé librement par les parties, compte tenu des bénéfices réalisés précédemment par le loueur, de la valeur du fonds et des perspectives futures.
Il peut s’agir d’une somme fixe ou proportionnelle aux chiffres d’affaires ou aux bénéfices. Une combinaison des deux systèmes est également envisageable.
Lorsque le renouvellement du matériel est stipulé à la charge du locataire il peut être pertinent de prévoir une diminution de la redevance au fil du temps.

D. Indexation de la redevance

Lorsque le contrat est conclu pour une durée supérieure à un an, il est d’usage de prévoir une indexation de la redevance.
En principe, l’indice choisi doit être celui du prix des biens, produits ou services ayant une relation directe avec l’objet de la convention ou l’activité de l’une des parties. À défaut, la présence d’une clause d’indexation illicite, peut faire tomber tout le contrat si celui-ci stipule, comme c’est souvent le cas, que chaque clause est une condition déterminante du contrat.

E. Caution

La prévision d’une caution n’est pas obligatoire. Toutefois, lorsqu’elle est prévue, il s’agit d’obtenir du locataire le versement d’une certaine somme en vue de garantir la bonne exécution du contrat, notamment quant au matériel, au paiement de la redevance et des impôts.

F. Clause de non-rétablissement

Pour éviter les risques de détournement de clientèle par le gérant, il est généralement prévu qu’à la fin du contrat, il ne pourra directement ou indirectement, pendant un temps donné, se réinstaller pour la même activité dans un secteur géographique défini.

G. Règles de terminaison du contrat

Afin d’éviter tout risque de litige à la fin du contrat, il est préférable d’organiser dans la convention les principes régissant sa terminaison.

On s’intéressera notamment à la question des stocks restants : le bailleur les reprendra-t-il ? Si oui, à quelle condition ? Selon quelles modalités de paiement ? Dans la négative, le locataire-gérant disposera-t-il d’un délai supplémentaire pour leur écoulement ?

On envisagera également la question du matériel, du mobilier et des autres éléments corporels acquis par le locataire.

On peut prévoir par exemple :

  • soit que le locataire devra rendre en bon état d’entretien les lieux et les objets désignés dans l’inventaire ou rendre des objets semblables en même nombre et de valeur égale. Au vu d’une telle clause, le locataire n’a droit à aucune indemnisation à la fin du contrat.
  • soit que le locataire sera tenu de renouveler le matériel et l’outillage et en deviendra propriétaire : il faut alors envisager en fin de contrat le rachat par le bailleur du matériel renouvelé par le locataire.

H. Points d’attention particuliers

Outre les clauses usuelles désignant les contractants et les éléments du fonds inclus dans la location, on portera grande attention aux éléments suivants dans le cadre du contrat :

  • l’ensemble des éléments corporels et incorporels inclus dans la location, tels que le matériel, l’outillage, le mobilier, les agencements et installations (il est conseillé de dresser une liste détaillée article par article) ;
  • dans le cadre du bail, on vérifiera bien que la location-gérance est permise et qu’elle ne nécessite pas l’autorisation du propriétaire des locaux ;
  • en cas de marques, brevets, licences d’exploitation, nom de domaine, on prendra soin de vérifier chaque pièce et chaque autorisation nécessaire ;
  • en cas de véhicule automobile, on sollicitera la copie du titre de propriété, de la carte grise, du certificat de non-gage, des factures d’entretien, du contrôle technique, etc. ;
  • on pensera à régler la question des stocks, en prévoyant les modalités de leur reprise ainsi que les conditions financières applicables ;
  • on s’intéressera à l’état des sûretés et autres droits pouvant affecter le fonds (droit de préférence…) ou les parties (clause de non-concurrence…).
  • on veillera à obtenir tous les renseignements pratiques et financiers relatifs à l’exploitation (le chiffre d’affaires, les résultats, les jours et heures d’activité, les périodes de congés, etc.) ;
  • on listera l’ensemble des contrats relatifs à l’exploitation (contrats de distribution, de services, d’assurance, etc.), en se faisant remettre une copie de chacun d’entre eux ;
  • on oubliera pas enfin de faire le point sur le personnel et l’équipe en place, en exigeant une remise des contrats de travail et dernières fiches de paie de chacun des salariés.

À noter à cet égard que si le locataire-gérant embauche des salariés, le loueur devra continuer les contrats de travail à l’expiration du contrat de location. Il est donc conseillé d’inclure une clause prévoyant que le locataire-gérant devra recueillir l’autorisation du propriétaire préalablement à tout embauche de nouveaux salariés, ou de modification des contrats de travail des employés du fonds.

II. Formalités applicables en cas de contrat de location-gérance

A. Enregistrement

L’enregistrement ne constitue pas une formalité obligatoire en la matière.
Toutefois, si le contrat de location-gérance comporte une promesse unilatérale de vente du fonds, celle-ci devra être enregistrée à peine de nullité dans un délai de dix jours à compter de son acceptation.

B. Immatriculation du locataire-gérant

L’immatriculation s’effectue au registre du commerce et des sociétés en cette qualité s’il est commerçant et au registre des métiers s’il est artisan.
Si le locataire-gérant acquiert la qualité de commerçant (ou d’artisan) à l’occasion de la location-gérance, il doit se faire immatriculer dans les quinze jours de la date du début de la location-gérance.

C. Formalités relatives au propriétaire du fonds

Le propriétaire personne physique doit se faire radier du registre du commerce et des sociétés.
Le propriétaire personne morale doit procéder à des formalités aboutissant à la mention de « location-gérance » sur l’extrait K bis.

D. Mention de la qualité de locataire gérant dans les documents commerciaux

Les dispositions de l’article R. 123-237 du Code de commerce stipulent que toute personne immatriculée indique sur ses factures, notes de commandes, tarifs et documents publicitaires ainsi que sur toutes correspondances et tous récépissés concernant son activité et signés par elle ou en son nom, la qualité de locataire-gérant ou de gérant mandataire.

E. Publicités dans un journal d’annonces légales

Le contrat de location-gérance doit être publié sous forme d’extrait ou d’avis dans un journal d’annonces légales dans la quinzaine de la date de signature du contrat de location-gérance et dans la quinzaine de la fin du contrat de location-gérance.
Le respect de ces formalités de publicité est essentiel tant au regard des créanciers du bailleur qu’en raison de la solidarité de ce dernier.

  • Créanciers du bailleur

Rappelons que l’article L. 144-6 du code de commerce leur permet, pour les dettes résultant de l’exploitation du fonds de commerce, de les faire déclarer immédiatement exigibles par le tribunal de commerce si ce dernier estime que la location-gérance met leur recouvrement en péril.
Cette action doit être introduite dans les trois mois de la publication dans un journal d’annonces légales de la location-gérance à peine de forclusion.

  • Solidarité du bailleur

La loi Sapin II a allégé la responsabilité du loueur en cas de gérance libre du fonds de commerce (C. com., art. L. 144-7).
Dorénavant, pour les mises en location-gérance à compter du 11 décembre 2016, le loueur du fonds n’est solidairement responsable du locataire-gérant et des dettes contractées par celui-ci que jusqu’à la publication du contrat de location-gérance.
Par ailleurs, l’article 1684, 3º, du code général des impôts a également subi une modification. Pour les contrats de location-gérance conclus depuis le 11 décembre 2016, la solidarité fiscale prend également fin au jour de la publication du contrat de location-gérance.
Il est à noter que le loueur est toujours tenu solidairement des dettes nées avant la publication du contrat de location-gérance.
Cependant, la dispense de solidarité cesse lorsque les impositions ont fait l’objet des majorations prévues au b) ou c) du I de l’article 1728 du code général des impôts ou à l’article 1729 du code général des impôts.
Encore faut-il que le propriétaire ait eu connaissance ou n’ait pu ignorer l’existence des manquements ayant entraîné l’application de ces majorations.
Cette disposition concerne les mises en recouvrement à compter du 1er janvier 2017.

III. Fiscalité applicable en cas de location-gérance

A. Conséquences fiscales de la mise en location-gérance

La mise en location-gérance d’un fonds de commerce n’entraîne pas les conséquences de la cessation d’entreprise dans la mesure où elle constitue uniquement un changement du mode d’exploitation de l’entreprise. Dès lors, cette opération ne déclenche pas la taxation immédiate des bénéfices ni des plus-values affectant les actifs de l’entreprise.
Les redevances versées par le gérant au bailleur sont assujetties à la TVA. Le cas échéant, la cession des stocks de marchandises est également assujettie à la TVA.

B. Régime applicable

S’agissant du bailleur personne physique, les redevances versées par le gérant sont taxables au barème progressif de l’impôt sur le revenu, dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux. Cette activité n’ayant pas un caractère professionnel, les déficits éventuellement réalisés ne peuvent pas être imputés sur son revenu global, mais uniquement sur les revenus des six années suivantes provenant d’activités semblables. Les redevances sont également assujetties aux prélèvements sociaux (sauf lorsque le bailleur exerce une activité dans l’entreprise louée, les redevances sont assimilés à des revenus du patrimoine au regard des prélèvements sociaux).

Lorsque le bailleur est une personne morale relevant de l’impôt sur les sociétés, les redevances acquittées par le gérant entre dans le résultat imposable au dit impôt.
Le bailleur est passible de la TVA au titre des redevances qu’il perçoit. Il est également assujetti à la cotisation foncière des entreprises, mais, dans la plupart des cas, il ne doit que la cotisation minimum.

Baptiste Robelin – Avocat – Droit des affaires

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Qu’est-ce que la location-gérance de fonds de commerce ?